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Des politiques locales et européennes dans les projets numériques.

A l’occasion de l’Université d’automne de l’association Les Rencontres, j’ai animé une table ronde autour des réseaux sociaux. J’ai construit celle-ci avec trois intervenants, dans l’espoir de montrer comment les réseaux sociaux pouvaient articuler les enjeux locaux à ceux du territoire européen.
Voici ici le texte qui a été proposé lors des restitutions du samedi 24 novembre 2012.

La table ronde s’est déroulée devant un petit comité : j’en ai été très étonné ! D’habitude, les thématiques autour des réseaux sociaux sont toujours très demandées. Cette différence peut avoir à mon sens plusieurs explications. Je pense qu’elle est principalement due à la mauvaise compréhension des enjeux que portent les réseaux sociaux dans l’échange culturel et la structuration politique des territoires face à l’Europe.

Je vous rassure, cette incompréhension existe aussi en sens inverse : la table ronde que m’a proposé d’animer Rafael – je l’en remercie – était assez unique. Jamais je n’avais ni assisté, ni animé un tel événement où les questions politiques pouvaient être abordées autrement qu’au travers de la gouvernance des institutions qui assume une présence sur les réseaux sociaux. Si le lien de l’activité sociale avec les contenus est parfois difficile à faire comprendre (alors qu’il porte le sens réel de l’intérêt de l’usage des réseaux sociaux), le rapport politique à cette même activité est complètement occulté.

Jeudi, nous avions donc fait la synthèse de trois aspects des réseaux sociaux grâce à Axel Norbelly venu représenter le Comité des Citoyens Montreuillois (CCM), Frank Thinnes présentant Plurio.net et William Bressand pour European Multimedia Forum (EMF).

Axel nous a expliqué ce que le politique pouvait attendre de l’utilisation des réseaux sociaux. Ce peut être un espace d’échange qui vient transposer les conversations traditionnelles dans un nouveau lieu, une sorte de nouveau quartier numérique de la ville. Il a mis en avant la puissance d’un réseau et interrogé les figures publiques dans l’optique d’un développement du réseau pervasif, c’est-à-dire de l’accès au web et à ses services en tout temps et tout lieu : le facteur, par exemple, de par sa connaissance du terrain, sa proximité des individus, ses nouveaux équipements, semble être le potentiel futur « vrai community manager » de la ville. Mais Axel n’a pas fait que de la prospective, puisqu’il a aussi montré comment la culture, sur le territoire Montreuillois, était un axe de cohésion – non un consens, mais un point de départ pour des conversations physiques ou numériques. Car l’usage des réseaux sociaux ne remplace pas celle des contacts habituels, mais vient modifier l’espace public, rendre plus efficace la diffusion des idées autant que la portée des discours, dans un sens comme dans l’autre.

Frank a montré l’exemple d’une réussite : Plurio.net a mis en place un système de diffusion des contenus transfrontalier, dont l’alimentation est décentralisée. Chaque institution renseigne sa programmation, qui est ainsi diffusée sur un réseau de contenu qui dépasse de loin la possibilité de rayonnement des institutions prises individuellement. Ce système mis en place à l’occasion de Luxembourg Capitale Européenne de la culture a perduré et trouvé d’autres raisons d’être que l’injonction politique qui l’avait mis en route. En effet, ces institutions n’ont pas été sensibles au symbole d’un projet transfrontalier, mais au pragmatisme des usages qu’il permettait. La mobilité culturelle s’en est vue renforcer. Mais le projet est aussi symbolique de ce que l’agenda Europe 2020 tente de mettre en place : il assoie la politique de séparation entre les producteurs et les diffuseurs de contenus, tout en permettant de fait de nouveaux modèles économiques basés sur les services utilisant des données publiques.

William est également revenu sur les logiques organisationnelles et économiques : son entreprise répond en effet à des projets européens en gérant le rapport des territoires locaux à l’entité globale. Tout un système de production locale de contenus s’inscrit dans un gestion centralisée de la communication. Il a permis de comprendre que les différences culturelles, les différences d’appréciation des métiers du web étaient encore un frein à la mobilité des personnes et à la compréhension des enjeux liés à ces pratiques : des points que tente de corriger le projet d’observatoire des métiers du web. Celui-ci est construit sur une base pragmatique, mais aussi des forums et entretiens autant que de la veille, et permet d’inscrire les métiers du web dans des enjeux et des contextes plus larges.

Ces enjeux plus larges ont systématiquement été cités par les trois intervenants. Parmi ceux-ci la diffusion globale de contenus produits localement, et le rapport de la cultures aux économies du tourisme – un secteur porteur de nombreux enjeux pour peu qu’il soit croisé avec la création et le dynamisme des industries créatives en plus du secteur patrimonial.

Le lien des réseaux sociaux – qu’ils soient des réseaux de contenus ou des réseaux conversationnels – avec les enjeux politiques de la culture a bien été montré au travers de questionnements sur la définition de la culture, l’accès à la culture ou encore le financement de la culture. Venus de trois pays différents, nos intervenants apportaient des réponses et des points de vue variés ; chacun cependant a formulé l’idée que sur les réseaux sociaux le quotidien des citoyens primait sur les enjeux politiques généraux et qu’il appartenait aux animateurs de communautés de diffuser des contenus qui incarnent les bienfaits des politiques européennes sans imposer un discours sur celles-ci. De manière unanime, ils ont également mis en avant le fait que ces plateformes d’échanges n’avaient d’intérêt que dans l’interaction qu’elles permettaient, relai d’une pensée qui doit être récupérée par les animateur de communauté pour lancer les projets ad hoc en réponse.

[ajout] Merci à Rafael pour la traduction de cet article sur son blog.